- ÉNIGME (littérature)
- ÉNIGME (littérature)ÉNIGME, littératureL’énigme est un énoncé chiffré ou codé qui sollicite le déchiffrement et ne le permet donc qu’à celui qui est capable de franchir la «barrière» créée par la transcription systématique du signifiant d’où résulte ce nouvel énoncé. Elle le sollicite non seulement par sa forme interrogative, mais aussi, d’une manière plus subtile, par la dimension esthétique qu’elle possède la plupart du temps.Cette forme originale de la création verbale remonte à l’Antiquité, elle préside même à la naissance de la littérature dans la mesure où elle forme souvent le point de départ d’un mythe, le noyau d’une légende : les sybilles parlent par énigmes. Leurs formules bien frappées procurent un certain plaisir à celui qui doit connaître sa destinée, même si elles ne lui livrent pas leur secret. Les défaites de Crésus ou de Macbeth ne sont pas des échecs militaires; l’aveuglement de ces personnages devant le sens de l’oracle est le responsable réel de leur défaite. Cet aveuglement consiste à refuser l’idée de l’ambiguïté du langage: Crésus considère qu’un mulet (au sens «propre») ne peut être roi des Mèdes, alors que la pythie désigne par mulet le fruit d’une mésalliance (donc Crésus lui-même); à l’inverse, Macbeth n’imagine pas qu’une forêt puisse dévaler la pente: il ne prend pas au pied de la lettre la prophétie des sorcières.Il faut cependant admettre qu’une énigme se résout plus facilement lorsqu’elle avertit par sa complexité même qu’il faut chercher la réponse ailleurs, en dehors du premier sens venu: la devinette du Sphinx sollicite mieux le travail de transcodage, Œdipe ayant la «chance» de rencontrer un énoncé parfaitement obscur.Trouver la solution des devinettes fut souvent, comme le souligne Jolles dans Formes simples , une question de vie ou de mort. Les rois d’Égypte et de Babylone «guerroyaient» selon Planude à coups d’énigmes. Il faut donc distinguer l’énigme qui joue le rôle de moteur de l’action dramatique (tels les problèmes que le détective doit résoudre dans un roman policier) et les jeux de société fondés sur le déchiffrement d’un texte comme les rébus , les mots croisés ou les charades . La vogue des recueils de devinettes au XVIIe siècle — celui de Cotin par exemple — se rattache à cette branche plus légère, celles-ci n’ayant pas laissé un souvenir aussi vivace que celles qui «font partie du folklore» (Jauss).
Encyclopédie Universelle. 2012.